T3M un acteur majeur du combiné
Article écrit par Jérémie Anne et publié dans Rail Passion. Pour voir la version en pdf, cliquez-ici
« A l’heure où le doublement du trafic fret et le triplement du combiné sont vus comme des priorités, arrêtons-nous sur un acteur important du secteur : T3M. L’entreprise a de grandes ambitions pour sa croissance, avec des constats à faire connaître.
S’il est un secteur du fret ferroviaire qui arrive à résister aux nombreux soubresauts du secteur et de l’économie, c’est le combiné. Le principe réside dans le transport par voie ferrée sur longue distance d’une marchandise, généralement par conteneur, entre deux terminaux et d’effectuer le dernier kilomètre par camion. Plusieurs acteurs se sont spécialisés dans cette activité, en particulier T3M.
T3M, un acteur historique du combiné
T3M fait partie du groupe Open Modal. Créé par Jean-Claude Brunier et ses trois enfants, le groupe était auparavant uniquement composé de TAB Rail Road, transporteur routier. Il est encore aujourd’hui dirigé dans sa totalité par la famille Brunier. TAB Rail Road est mis sur pied pour réaliser du combiné rail-route, Jean-Claude Brunier étant convaincu de la pertinence de cette combinaison, d’un point de vue écologique mais aussi pour la performance du transport. Au début de l’aventure, les terminaux utilisés sont ceux de Novatrans. Dans le but de maîtriser l’ensemble de la chaîne du transport combiné, une joint-venture avec Veolia Cargo est lancée, aboutissant à la création du commissionnaire de transport T3M en 2000. Cette même année, le premier terminal est construit. Situé dans le port de Bonneuil-sur-Marne près
de Paris, il dispose de deux voies longues de 850 m et fonctionne toujours en 2024. Le premier
trafic lancé à cette période connecte Bonneuil avec Lungavilla (Lombardie, Italie).
L’exploitation s’avère compliquée suite aux difficultés de coordination des gestionnaires d’infrastructure
à Modane et au gabarit limité des tunnels (à l’époque), et cesse rapidement.
Veolia Cargo quitte la joint-venture fin 2004 et T3M est repris dans son intégralité par Jean-Claude Brunier.
À la fin de l’année 2004, le réseau T3M déploie son maillage avec le premier Valenton – Marseille –
Canet ainsi qu’un Valenton – Sète. Un partenariat avec Novatrans permet le transport de caisses mobiles de Dourges jusqu’à Perpignan, augmentant d’autant la zone de chalandise des marchandises transportées.
En 2008, le Valenton – Sète est recentré sur Avignon – Courtine, la zone de chalandise plus élevée et la position de carrefour d’Avignon influençant cette décision.
2010 voit le lancement d’un Valenton – Toulouse – Fenouillet via Bordeaux. Outre le retour à Bonneuil, 2012 est marquée par l’achèvement de la mise au gabarit GB 1 du tunnel du Fréjus. À cette occasion, la liaison Paris- Novare, opérée depuis Bonneuil, est mise en route avec
trois rotations hebdomadaires rapidement portées à cinq.
En 2014, un Nancy – Fos est déployé sur les rails, une demande des chargeurs ayant poussé à sa création.
À partir de 2015, l’opérateur s’installe au Ports de Lille et lance les lignes Lille – Toulouse et Lille – Bordeaux, et en 2017 Lille – Marseille et Lille – Mouguerre (terminal situé près de Bayonne).
En 2021-2022, un partenariat avec Hupac permet de rajouter depuis Novare trois connexions vers Bari, Pescara et Pomezia. Enfin, le Paris – Bordeaux, arrêté depuis 2018, est relancé en 2022 à raison de cinq liaisons par semaine.
À partir d’avril 2024, les deux terminaux de Marseille-Canet et Fos-sur-Mer vont être regroupés au sein du terminal TOP (voir plus loin).
T3M aujourd’hui
T3M est membre du groupe Open Modal, lequel comprend également la marque historique TAB Rail Road ainsi que BTM, opérant sur les terminaux de Bonneuil, Valenton, Fenouillet et sur le futur terminal TOP. Le groupe détient également Combirail, en partenariat avec Combronde, louant à Akiem six BB 27000, quatre BB 75000 ainsi que deux BB 400 à Captrain. L’entreprise traite 120000 UTI (unités de transport intermodal) en 2023, correspondant à environ 230000 EVP (équivalent vingt pieds). Les grandes familles de marchandises transportées sont des produits pour la grande distribution, des messageries, du vrac solide et liquide ainsi que des conteneurs de déménagement, ce dernier trafic étant cependant davantage soumis à des variations saisonnières que les autres, indiqueT3M. L’ensemble des convois sont classifiés ME 120, à l’exception du Nancy – Fos tracé en MA 100. Pour la traction de ses trains, T3M recourt à DB Cargo France, Captrain France, RegioRail et Combirail. À noter que Combirail annonce « échanger» avec Railpool. Rappelons que la Rosco vient d’ouvrir une filiale en France et a acquis 50 Traxx MS 3 aptes France, avec des premières livraisons attendues pour juillet 2025.
T3M, un candidat autorisé
Pour commander ses sillons (environ 3500), T3M est candidat autorisé depuis la création de ce statut en 2009. Être candidat autorisé permet à un opérateur de commander ses sillons auprès du gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau sans être entreprise ferroviaire. Concrètement, T3M commande ses sillons et fait ensuite appel à une entreprise ferroviaire pour assurer le train. Cette disposition permet à T3M de « découvrir et comprendre l’environnement des sillons », indique Anthony Cherubini, directeur général de T3M. Auparavant, l’entreprise achetait la prestation de transport sans réellement maîtriser le processus des sillons. Cette maîtrise est extrêmement importante pour T3M, ne serait-ce que pour prévoir des
itinéraires de substitution en cas de gros travaux annoncés car chacun de ses trains T3M traverse a minima trois à quatre régions SNCF. Deux collaborateurs sont affectés à cette lourde tâche de commandes dessillons et de suivi des processus travaux (en particulier les réunions préparatoires dites « RP 0 » et « RP1 »). Si T3M note avec satisfaction que le gestionnaire d’infrastructure informe l’ensemble
des opérateurs et candidats des travaux à venir, il souhaiterait que SNCF Réseau l’aide à mieux identifier les travaux impactant directement ses circulations. L’opérateur doit être particulièrement attentif aux travaux sur les axes usuellement empruntés (l’artère impériale par exemple) mais également des travaux
planifiés sur les itinéraires de détournement. À noter que l’opérateur a également signé avec SNCF Réseau un contrat-cadre pour ses sillons. Pour l’avenir, SNCF Réseau va déployer le programme PER (plans d’exploitation réseau) visant à projeter au graphique les sillons et batteries fret afin de les inscrire dans la capacité des lignes.
L’impact de l’interruption de la ligne de la Maurienne sur l’opérateur
Suite à l’éboulement du 27 août 2023 sur le tunnel de la Brèche, l’axe de la Maurienne est interrompu, touchant lourdement le commissionnaire de transport. Lors de l’éboulement, T3M est contraint de suspendre sa ligne vers Novare. Un service limité, à raison de deux liaisons hebdomadaires, peut être remis en marche trois semaines après l’éboulement, en transitant via la rive droite du Rhin, Bâle et le
Simplon. Il faut réorganiser le plan de transport, en partenariat avec DB Cargo, fractionnaire de la liaison. Depuis le mois de février, un troisième train peut être remis en service, mais les volumes sur la ligne chutent. Anthony Cherubini craint que la croissance du trafic soit très lente sur l’axe et que des chargeurs et transporteurs ne reviennent pas au rail lors de la réouverture de la ligne. L’objectif est de retrouver un niveau de service de cinq liaisons hebdomadaires. Cet éboulement est d’autant plus préjudiciable que des travaux dans le tunnel routier du Mont-Blanc étaient programmés, nécessitant sa fermeture. SNCF Réseau annonce un début de la remise en état du tunnel de la Brèche « à l’automne 2024 ».
Les attentes pour le fret ferroviaire
Le développement du fret ferroviaire connaît de réels progrès et est érigé en priorité nationale via la Stratégie nationale du fret ferroviaire qui fixe comme objectifs un doublement du trafic fret et un triplement du combiné à échéance 2030. Beaucoup de travail reste à accomplir. L’année 2023 est jugée « difficile », avec les grèves aboutissant à « un report modal inversé » de près de 20 % et des trafics disparus pour le ferroviaire. Outre cet aspect, les sillons sont également objet de sujétions. Anthony Cherubini estime que les sillons délivrés aujourd’hui sont moins performants qu’il y a 15 ans. La vitesse moyenne des ME 120 de l’opérateur était de 95 km/h, elle est en 2024 de 85 km/h. Le directeur général attire également l’attention sur les sillons de ses trains à long parcours. Bien que SNCF Réseau ait engagé un travail sur le suivi en exploitation de plusieurs trains de fret à long parcours, avec des résultats probants, les sillons proposés en conception ne sont pas toujours satisfaisants. En effet, leur prise en compte dans les trames horaires (en particulier lors de la phase dite « préconstruction») n’est pas toujours satisfaisante, ne serait-ce qu’à cause de la traversée des nœuds du réseau ou de la tenue des travaux la nuit. D’une manière générale, le réseau est l’objet de nombreuses attentes, en particulier vis-à-vis de sa fiabilité qui se dégrade suite à une trop grande vétusté, alors que de nombreux travaux sont réalisés depuis plusieurs années. Un élément de satisfaction est mis en avant: la prise en compte du combiné et plus généralement du fret pour la réalisation de certains travaux.
Anthony Cherubini prend l’exemple des travaux sur l’artère impériale en Bourgogne, effectués de jour afin de préserver les capacités du trafic combiné la nuit. Néanmoins les travaux restent une source de difficulté, comme lors de la construction de la LGV SEA, ce qui risque de se reproduire avec la construction à venir d’AFNT et AFSB (1). Malgré ce climat morose, l’objectif pour 2024 est de retrouver les niveaux de trafics de 2022, les entreprises s’engageant dans la décarbonation de leur chaîne de transport et souhaitant recourir au ferroviaire et au combiné.
TOP, terminal combinédu XXIe siècle
Opéré par BTM, Terminal Ouest Provence (TOP) entrera en service à partir d’avril 2024. Situé à Miramas, ce terminal combiné « du XXIe siècle» regroupera les actuels sites de Fos-sur-Mer et Marseille-Canet, qui disparaîtront. Il comprendra quatre voies de 850 m chacune, et sera doté des technologies les plus modernes sur un chantier combiné (notamment des reachstackers électriques et des portiques à pilotage déporté) ainsi qu’une digitalisation de l’ensemble des outils nécessaires à la production, régis via un Cote Operated System. À noter que plusieurs autres projets de terminaux sont dans les cartons. »